
Souvent considérés comme secondaires, les achats indirects constituent en réalité un levier de performance structurant pour les organisations. Leur complexité, leur diversité et leur poids économique appellent une stratégie à part entière, rigoureusement alignée sur les objectifs métiers et les exigences de création de valeur. Cet article propose une grille de lecture fonctionnelle et approfondie de ce périmètre encore trop peu structuré.
Ce que recouvrent réellement les achats indirects
Les achats indirects désignent tous les biens et services nécessaires au fonctionnement de l’entreprise mais non intégrés directement dans la production du bien ou service vendu au client final. Cette définition englobe une pluralité de catégories : frais généraux, prestations intellectuelles, services aux collaborateurs, solutions informatiques, maintenance, logistique interne, équipements de bureaux, etc.
Cette diversité structurelle complexifie la fonction achat. D’une part, les volumes sont souvent fragmentés, les besoins exprimés localement, et les référents internes multiples. D’autre part, les produits et services sont difficilement standardisables, notamment dans les prestations à forte composante immatérielle. Il en résulte une gestion souvent éclatée, avec des leviers de mutualisation mal exploités. Une première étape pour professionnaliser ces achats consiste donc à dresser une cartographie précise des dépenses, à identifier les prescripteurs-clés, et à analyser les gisements d’économies non exploités.
Des coûts sous-estimés mais stratégiques
L’un des paradoxes majeurs des achats indirects est leur poids significatif dans les comptes, couplé à une relative invisibilité dans les arbitrages stratégiques. Ils incluent de nombreux postes sensibles : conseil stratégique, solutions logicielles, intérim, services aux salariés. Autant d’éléments qui participent directement à la performance économique, sociale et environnementale.
Faute d’outils consolidés, la visibilité est fragmentée, et la valeur perçue floue. Cette absence de pilotage unifié génère des surcoûts, des risques contractuels, des manques à gagner en mutualisation et une faible traçabilité. Reconnaître la dimension stratégique des achats indirects, c’est acter leur influence sur la qualité de service, la maîtrise des risques et la résilience organisationnelle.
Piloter une dépense diffuse : l’enjeu de la gouvernance
Mettre en place une gouvernance dédiée aux achats indirects est essentiel. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter des processus, mais d’instaurer une structure de responsabilité claire, capable de fédérer les différents acteurs : prescripteurs internes, acheteurs, DAF, DSI, direction RH.
Cette gouvernance repose sur trois piliers : une politique achat spécifique, des outils de gestion partagés et une organisation responsabilisée. Ce triptyque est indispensable pour créer de la valeur dans un environnement où l’alignement entre besoins métier et discipline achat est souvent difficile à obtenir.
Automatiser pour structurer la fonction
La digitalisation des achats indirects constitue un accélérateur de maturité. Elle permet de fluidifier les processus, de fiabiliser les données et d’améliorer l’expérience utilisateur.
Cependant, la technologie ne produit de résultats que si elle est intégrée à un schéma directeur global et acceptée par les utilisateurs. Il ne s’agit pas de digitaliser pour digitaliser, mais de renforcer la capacité de pilotage et d’analyse.
Repenser la relation fournisseurs
Les achats indirects impliquent un grand nombre de fournisseurs, souvent issus de choix locaux ou opportunistes. Cette dispersion nuit à la maîtrise des risques, à la négociation tarifaire, et à la cohérence contractuelle.
La rationalisation repose sur une segmentation fine : fournisseurs critiques, prestataires à valeur ajoutée, fournisseurs transactionnels. Une politique fournisseurs efficace suppose des critères de sélection clairs, des processus d’évaluation récurrents, et une visibilité sur la performance réelle.
Au-delà du coût : mesurer ce qui compte vraiment
Réduire les achats indirects à une question de coûts serait une erreur stratégique. Leur valeur ajoutée réside dans l’équilibre entre performance économique, qualité de service, innovation et maîtrise des risques.
Le pilotage doit s’inscrire dans une logique dynamique : identifier les écarts, ajuster les pratiques, et arbitrer les choix. Cette culture de la mesure est le socle d’un achat indirect maîtrisé, qui assume son rôle dans la chaîne de création de valeur.
Une opportunité pour déployer les engagements RSE
Les achats indirects constituent un vecteur puissant pour intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les pratiques de sourcing. Chaque catégorie offre des marges d’action concrètes.
La démarche RSE ne doit pas être une surcouche, mais une dimension intégrée au processus d’achat. Ainsi, les achats indirects deviennent un vecteur crédible de transformation durable.
Prestations intellectuelles : piloter la valeur immatérielle
Les prestations intellectuelles exigent une approche spécifique. Le risque principal réside dans l’imprécision des besoins et le flou des livrables, qui peuvent générer des dérives budgétaires et un faible retour sur investissement.
Ces pratiques sont essentielles pour transformer une dépense sensible en un investissement à forte valeur ajoutée.
Conclusion
Longtemps marginalisés, les achats indirects méritent désormais une stratégie à part entière. Ils ne sont pas seulement un centre de coûts, mais un levier structurant de performance, de durabilité et d’innovation. En les pilotant de manière intégrée et exigeante, les directions achats peuvent affirmer leur rôle de partenaires stratégiques au service des transformations de l’entreprise.