gestion des risques achats

Gestion des risques achats : pilier d’une fonction mature et stratégique

La gestion des risques achats s’impose aujourd’hui comme un levier incontournable de pilotage et de création de valeur. Dans un contexte marqué par les incertitudes géopolitiques, les tensions sur les approvisionnements et les exigences croissantes en matière de conformité, elle incarne une posture proactive et structurante pour la fonction achats.

Quand les crises redéfinissent les priorités des directions achats

La crise sanitaire, suivie par les chocs géopolitiques et les perturbations logistiques, a bouleversé la manière dont les organisations appréhendent les risques. Longtemps considérée comme une discipline réservée aux grandes entreprises industrielles, la gestion des risques achats se généralise et s’étend aux services, aux prestations intellectuelles et aux solutions digitales. Face à des chaînes de valeur de plus en plus complexes et interconnectées, l’approche par les risques ne peut plus se résumer à une cartographie figée. Elle doit s’inscrire dans une démarche dynamique, alignée avec les orientations stratégiques de l’entreprise et intégrée aux processus achats dès les phases amont.

Quels sont les vrais risques qui pèsent sur la chaîne d’approvisionnement ?

La gestion des risques achats repose sur l’identification, l’évaluation et la maîtrise de diverses menaces. Les risques fournisseurs englobent la dépendance excessive, les difficultés financières ou encore la non-conformité réglementaire. À cela s’ajoutent les risques géopolitiques, juridiques, environnementaux et technologiques.

En 2021, une entreprise française du secteur électronique a ainsi vu l’un de ses fournisseurs asiatiques stratégique suspendre ses livraisons pendant deux mois, en raison de restrictions locales liées au Covid-19. La direction achats, en réaction, a mis en place une stratégie de double-sourcing régional, complétée par une contractualisation renforcée avec des clauses précisant les mécanismes de report logistique et de gestion de crise. Cette décision, appuyée par le comité de direction, a permis de restaurer 85 % du volume de production en trois semaines.

Du sourcing à la signature : intégrer le risque à chaque étape

La maturité d’une direction achats se mesure à sa capacité à intégrer le facteur risque dans toutes les étapes du cycle achat. Cela suppose une analyse structurée dès la stratégie de sourcing, l’intégration de clauses spécifiques dans les contrats, et une surveillance proactive des partenaires critiques. La coordination avec les directions juridique, qualité ou IT est essentielle.

Chez un grand acteur de l’agroalimentaire, confronté en 2022 à un rappel massif de produits, l’audit des fournisseurs a été intensifié avec l’appui d’une cellule qualité transverse. Un système de reporting hebdomadaire sur les points critiques a été mis en place, ce qui a permis de réduire de 30 % les délais de détection des anomalies, et d’instaurer un dialogue plus rigoureux avec les partenaires industriels.

Quels outils pour anticiper plutôt que subir ?

Parmi les outils clés, la cartographie des risques fournisseurs constitue un socle indispensable, complété par des matrices de criticité et des indicateurs de résilience. Les dispositifs de due diligence approfondie dans les zones sensibles permettent de prévenir les ruptures critiques.

L’efficacité de ces outils repose sur une exploitation rigoureuse des données et une coordination fluide entre métiers. Là encore, c’est la régularité de la mise à jour et l’intelligence dans l’interprétation des signaux faibles qui fait la différence. Certaines entreprises s’appuient aujourd’hui sur des plateformes intégrées permettant de croiser données financières, audit qualité, couverture géographique et dépendance mono-source, afin d’obtenir un profil de risque consolidé par fournisseur.

Faut-il revoir la gouvernance des risques achats ?

La gestion des risques achats ne peut reposer sur la seule fonction achats. Elle nécessite un pilotage partagé, adossé à un comité des risques intégrant les directions juridique, conformité et opérationnelle. Cette transversalité renforce la réactivité face aux imprévus, tout en instaurant une culture du risque au sein des équipes. La remontée d’alerte, lorsqu’elle est structurée, devient alors un outil de gouvernance à part entière, avec des indicateurs suivis en comité de pilotage.

Certaines entreprises du CAC 40 ont instauré un référent « risques achats » par famille stratégique, chargé de centraliser les remontées opérationnelles et de produire des synthèses trimestrielles à destination de la direction générale. Ce fonctionnement favorise une meilleure lecture des tensions structurelles.

Technologies d’anticipation : quelle place pour l’IA et les plateformes ?

Les solutions digitales ouvrent des perspectives nouvelles, notamment dans la détection des signaux faibles et l’évaluation continue des fournisseurs. L’analyse prédictive, lorsqu’elle est bien intégrée, permet de visualiser les impacts potentiels d’un incident chez un sous-traitant ou d’un changement réglementaire.

Ces technologies apportent un gain de temps significatif, mais c’est leur usage stratégique qui fait la différence entre une réaction subie et une réponse maîtrisée. Par exemple, une entreprise du secteur pharmaceutique utilise un tableau de bord consolidé issu de sa plateforme SRM pour croiser l’évolution du prix des matières premières, les délais logistiques et les retours qualité. Cette lecture croisée en temps réel lui a permis d’ajuster sa politique d’achats long terme en amont des hausses de coût sur le marché asiatique.

ESG, devoir de vigilance : comment éviter la non-conformité ?

Les récentes obligations légales, telles que la loi française sur le devoir de vigilance ou la directive européenne CSRD, renforcent les attentes en matière de traçabilité et d’anticipation des risques sociaux et environnementaux. Les directions achats doivent s’outiller pour réaliser des cartographies précises, intégrer des exigences contractuelles spécifiques et mener des audits tierce partie crédibles.

Certaines entreprises ont mis en place un système de « clauses miroir », qui reproduit en cascade les engagements ESG auprès des sous-traitants, afin d’en garantir l’application jusqu’au rang 2 ou 3. La conformité réglementaire devient alors un facteur de compétitivité durable et un gage de réputation vis-à-vis des clients finaux, des investisseurs et des pouvoirs publics.

Et si la résilience devenait le vrai KPI de la fonction achats ?

Intégrer le risque comme levier de performance suppose de dépasser la seule prévention pour construire une posture d’anticipation active. Une direction achats qui cartographie finement ses zones d’exposition, alerte la direction générale sur les faiblesses systémiques et mobilise ses fournisseurs dans une logique de résilience conjointe, s’impose comme partenaire stratégique.

Cette approche permet non seulement de réduire les coûts cachés, liés aux ruptures ou aux litiges, mais également d’améliorer la réactivité opérationnelle, la continuité d’activité et la fiabilité des prévisions budgétaires. Elle repositionne l’acheteur comme un acteur d’équilibre stratégique entre risques, exigences clients et contraintes marché.

Conclusion

La gestion des risques achats ne peut plus être conçue comme un simple volet de conformité. Elle est aujourd’hui un indicateur de maturité et un levier d’influence pour la direction achats. Les organisations qui l’intègrent comme une brique centrale de leur stratégie achat gagnent en agilité, en crédibilité et en performance.

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